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Obstacle épistémologique / obstacle pédagogique

« Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s’agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain : c’est dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c’est là que nous décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. (…) Dans l’éducation, la notion d’obstacle pédagogique est également méconnue. J’ai souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences, plus encore que les autres si c’est possible, ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas. Peu nombreux sont ceux qui ont creusé la psychologie de l’erreur, de l’ignorance et de l’irréflexion (...) Ils n’ont pas réfléchi au fait que l’adolescent arrive dans la classe de physique avec des connaissances empiriques déjà constituées. Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est pas jeune, il est même très vieux car il a l’âge de ses préjugés. (...) Au gré de l’épistémologue, un obstacle, c’est une contre-pensée. »
Gaston BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique, contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, Paris, éd. Vrin, 1938, 8ème éd. 1972.
Dans les apprentissages se nouent et s’énoncent des conflits socio-cognitifs imposant des inerties aux possibles modifications des représentations erronées ou inadéquates des connaissances, des savoirs comme des expériences. La didactique permet de forger des apprentissages permettant de construire un espace de réflexion autour d’un problème à résoudre. Il s’agit de situations d’apprentissage fondées sur des « objectifs-obstacles » ou organisées en « situations-problèmes ».
La possibilité de l’élève de se confronter à un problème à résoudre, potentiellement conçu pour pouvoir être résolu par lui après un certain seuil de résistance et l’appel à des savoirs et des compétences antérieurement acquis, l’ouvre à de nouvelles connaissances augmentées de représentations justes en éliminant celles faisant obstacle, inexactes ou inadéquates.
Le problème à résoudre doit ainsi se situer ni trop loin ni trop près de ce que l’élève sait déjà (zone proximale de développement, cf Lev VYGOTSKI). La situation-problème proposée doit favoriser la prise de conscience par l’élève lui-même et non par l’enseignant que les savoirs antérieurement acquis sont insuffisants à résoudre le problème posé, que cette insuffisance n’est pas une faute et qu’elle découle de la situation.
La prise de conscience par l’élève de l’inadéquation de ses représentations et de la nature inopérante de ses stratégies précédemment développées soulève des besoins et des apports en aide. Cette aide doit apporter à l’élève les outils de sa progression sans pour autant réaliser le travail à sa place.


Un “obstacle pédagogique” est une notion construite par référence à la notion d'”obstacle épistémologique” chez Bachelard. L'obstacle épistémologique renvoie à deux difficultés particulières : chez l'enseignant et chez l'élève.

Les obstacles pédagogiques chez l'enseignant

L'obstacle pédagogique désigne un rapport au savoir, mais également des croyances pédagogiques qui font obstacle chez l'enseignant à ce qu'il fasse réussir les élèves :

  • Le manque de cadrage instruit : l'obstacle pédagogique peut provenir du manque de cadrage instruit de l'enseignant. Celui-ci entretient des malentendus socio-cognitifs. Il va par exemple développer un discours sur le sens utilitaire des savoirs scolaires qui fait obstacle à ce que l'élève acquiert une attitude de secondarisation.
  • L'idéologie du bien-être : L'enseignant considère que la finalité de l'éducation est le bien-être de l'élève ou que le bien-être est un préalable à l'entrée dans les apprentissages. De fait, à force d'être dans le préalable, l'enseignant retarde ou dévalue l'importance des apprentissages. Il peut également envoyer constamment des renforcements positifs à l'élève qui n'est plus en mesure d'évaluer ces progrès et de savoir lorsqu'il a fait une erreur.
  • La croyance dans les notes : L'enseignant croit que les notes sont nécessaires pour améliorer le niveau des élèves. Il croit aux vertus de la compétition entre les élèves. Or les notes conduisent par exemple à développer une attitude utilitariste chez les élèves.
  • La croyance à la démission des familles de milieux populaires : L'enseignant croit que les élèves en difficulté scolaire issus de milieu populaire souffrent du manque d'implication de leur famille. Néanmoins les études ne corroborent pas un tel fait. Les familles souffrent davantage d'un sentiment d'incompétence que de manque d'implication.
  • La confusion entre difficulté scolaire et troubles de l'apprentissage : Il existe une tendance actuelle chez les enseignants à médicaliser la difficulté scolaire. Celle-ci n'est plus une marque d'une difficulté pédagogique, mais devient le signe d'un trouble médical qui doit être externalisé vers une prise en charge spécialisée.
  • L'idéologie du don : L'enseignant croit que la réussite ou l'échec scolaire des élèves tient à des aptitudes naturelles.
  • La croyance aux profils d'apprentissage : L'enseignant croit qu'il existe des profils d'apprentissage différents et donc qu'il n'existe pas de méthode meilleure qu'une autre. S'il existe des stratégies différentes chez les experts, pour autant il existe des stratégies expertes et des stratégies qui ne le sont pas.

Il est possible de constater que plusieurs obstacles pédagogiques reposent sur un relativisme pédagogique : l'enseignant ne veut pas imposer de normes aux élèves et refuse donc de lui montrer ou de l'aider à discerner entre les apprentissages efficaces, inefficaces et les erreurs.

Les obstacles pédagogiques chez les élèves

L'enseignant doit être en capacité d'effectuer avec l'élève un travail d'explicitation mentale de manière à mettre à jour le cadrage mental de l'élève et, si nécessaire, à lui fournir des pistes pour effectuer une réévaluation cognitive de la situation scolaire :

  • La croyance en une intelligence fixe : Les élèves qui croient que l'intelligence est fixe et non pas modifiable par le travail réussissent moins bien les tâches scolaires.
  • La construction de la masculinité et de la féminité : Certaines caractéristiques de la construction de la masculinité peuvent faire obstacle à la réussite scolaire. Par exemple la lecture peut être perçue comme une activité féminine. Inversement, les filles intériorisent un manque de confiance en elles qui se traduit par une sursélection.
  • La recherche d'un sens utilitaire : Les élèves ne trouvent pas de sens aux savoirs scolaires car ils n'ont pas d'utilité pratique. L'enseignant doit aider l'élève à construire un cadrage instruit.
  • Des motivations extrinsèques : L'élève travaille avant tout pour la note ou pour plaire à ses parents et à l'enseignant. Il ne développe pas des buts de maîtrise qui visent à acquérir une connaissance approfondie. Il acquiert seulement une connaissance superficielle qu'il oublie rapidement.
  • La passivité mentale : L'élève en difficulté scolaire identifie la passivité physique du bon élève à une passivité mentale. L'enseignant doit expliciter l'activité cognitive qui permet les apprentissages.

Lien permanent Obstacle épistémologique / obstacle pédagogique - Date de création 2023-02-23


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